Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Allo! DME! Dix millions d'électeurs! Renaud Bouchard -2017-2022
Allo! DME! Dix millions d'électeurs! Renaud Bouchard -2017-2022
Publicité
Derniers commentaires
8 juillet 2009

Encyclique " Caritas in Veritate": une quatrième leçon sur la société post-industrielle


"De quoi l'Eglise vient-elle encore se mêler?" dira-t-on. Hé bien, précisément de ce qui la concerne intrinsèquement au plus haut point: de nous. l'Humanité.

Il suffit, à défaut de les lire - quoique leur enseignement soit passionnant-, de se reporter à ces "lettres circulaires", ces encycliques et constitutions pastorales que l'Eglise adresse au monde entier et dont les titres sont explicites:
Sollicitudo Rei Socialis, Populorum Progressio , Pacem in Terris, Veritatis Splendor, Laborem Exercens, Dominum et Vivificantem, Redemptor Hominis, Evangelium Vitae, Dignitas personae. Qu'importe la chronologie, la matière est riche et s'inscrit dans les temps présents.

En publiant le 7 juillet 2009 sa quatrième Encyclique intitulée "Caritas in Veritate", "l'Amour dans la Vérité," le Pape Benoît XVI vient d'offrir au monde entier  une très profitable solution à la débâcle économique dont aucun G7-G8 ou G20 n'arriveront à se dépêtrer.

Pareille impossibilité tient simplement au fait que face à une course effrénée à la cupidité, aucune des solutions ou analyses qui sortiront de ces conférences n'est à même de prendre en compte et de véritablement vouloir mettre réellement en pratique la seule option qui s'impose désormais, savoir cette nouvelle synthèse humaniste qu'évoque le Saint Père, seule capable de remédier à la complexité et à la gravité de la situation dont la planète prend enfin conscience pour le moment.

En déclarant que « l'activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux par la simple extension de la logique marchande», en estimant avec raison que le monde n'a effectivement pas le choix, en rappelant que « la crise nous oblige à reconsidérer notre itinéraire, à nous donner des nouvelles règles (…)  et qu'elle devient ainsi une occasion de discernement (qui) met en capacité d'élaborer de nouveaux projets», la lettre du Pape, véritable piqûre de rappel, constitue beaucoup plus qu'une une véritable monition.


« Effets délétères sur ­l'économie réelle d'une activité financière mal utilisée et, qui plus est, spéculative.»
« Prodiges de la finance» qui ne soutiennent qu'«une croissance artificielle liée à une consommation excessive.» «Marché qui n'arrive pas à produire la cohésion sociale.» Constat que « Séparer l'agir économique, à qui il reviendrait seulement de produire de la richesse, de l'agir politique, à qui il reviendrait de rechercher la justice au moyen de la redistribution, est une cause de graves déséquilibres». Mise en exergue du rôle du «gratuit» et du don de soi, vecteurs de la prospérité. Rappel que «L'économie mondialisée semble privilégier la logique de l'échange contractuel, mais (qu') elle montre qu'elle a besoin de la logique politique et de la logique du don sans contrepartie.» Rappel que «pour fonctionner correctement, l'économie a besoin de l'éthique» et que, par exemple, «les pauvres ne sont pas à considérer comme un fardeau mais au contraire comme une ressource, même du point de vue économique». Encouragement des «microprojets» ou entreprises à visées sociales. Rejet de la «classe cosmopolite de managers» animée par «le profit à court terme» qui ne démontre aucun attachement aux entreprises et aux hommes.

Ne serait-ce que par curiosité, ouverture d'esprit, culture, enrichissement personnel, ouverture à l'autre, à ce qui est différent, peut-être inconnu, voire gênant, à ce qui dérange, à ce qui oblige à changer de prisme, d'habitudes, de confort intellectuel, il faut lire cette Encyclique en détail. Il faut surtout se garder de céder à la tentation de s'enfuir en courant et de changer de programme dès lors que l'Eglise, la Chrétienté et son chef, le Pape, s'expriment sur des faits de civilisation qui engagent l'humanité toute entière.

Peu importe en effet que l'on soit croyant ou pas, fidèle à telle ou telle religion, école de pensée, animiste, adorateur du Veau d'Or, zélateur de Mammon (dieu exigeant, comme chacun sait...), puisqu'il se trouve que dans une vision ecclésiale (relative à l'Eglise en tant que communauté de fidèles), ou catholique (καθολικός / katholikós), au sens d'universel, un Magistère s'exprime et donne matière à réflexion à qui veut bien écouter.

De la première approche de la doctrine sociale de l'Eglise avec Rerum Novarum (15 mai 1891), en passant par Centesimus Annus, Populorum Progressio, Fides et Ratio, autant de titres (et les titres des encycliques sont réellement étonnants) qui viennent opportunément rappeler, et qui pourrait dire le contraire? que :


"Sans vérité, sans confiance et sans amour du vrai, il n’y a pas de conscience ni de responsabilité sociale, et l’agir social devient la proie d’intérêts privés et de logiques de pouvoir, qui ont pour effets d’entrainer la désagrégation de la société, et cela d’autant plus dans une société en voie de mondialisation et dans les moments difficiles comme ceux que nous connaissons actuellement."

"Objets de l’amour de Dieu, les hommes sont constitués sujets de la charité, appelés à devenir eux-mêmes les instruments de la grâce, pour répandre la charité de Dieu et pour tisser des liens de charité.

La doctrine sociale de l’Église répond à cette dynamique de charité reçue et donnée.

Elle est « caritas in veritate in re sociali »: annonce de la vérité de l’amour du Christ dans la société. Cette doctrine est un service de la charité, mais dans la vérité. La vérité préserve et exprime la force de libération de la charité dans les événements toujours nouveaux de l’histoire. Elle est, en même temps, une vérité de la foi et de la raison, dans la distinction comme dans la synergie de ces deux modes de connaissance. Le développement, le bien-être social, ainsi qu’une solution adaptée aux graves problèmes socio-économiques qui affligent l’humanité, ont besoin de cette vérité. Plus encore, il est nécessaire que cette vérité soit aimée et qu’il lui soit rendu témoignage. Sans vérité, sans confiance et sans amour du vrai, il n’y a pas de conscience ni de responsabilité sociale, et l’agir social devient la proie d’intérêts privés et de logiques de pouvoir, qui ont pour effets d’entrainer la désagrégation de la société, et cela d’autant plus dans une société en voie de mondialisation et dans les moments difficiles comme ceux que nous connaissons actuellement.

 

« Caritas in veritate » est un principe sur lequel se fonde la doctrine sociale de l’Église, un principe qui prend une forme opératoire par des critères d’orientation de l’action morale. Je désire, dit encore le Saint Père,en rappeler deux de manière particulière; ils sont dictés principalement par l’engagement en faveur du développement dans une société en voie de mondialisation: la justice et le bien commun.

La justice tout d’abord. Ubi societas, ibi ius : toute société élabore un système propre de justice. La charité dépasse la justice, parce qu’aimer c’est donner, offrir du mien à l’autre ; mais elle n’existe jamais sans la justice qui amène à donner à l’autre ce qui est sien, c’est-à-dire ce qui lui revient en raison de son être et de son agir. Je ne peux pas « donner » à l’autre du mien, sans lui avoir donné tout d’abord ce qui lui revient selon la justice


Il faut ensuite prendre en grande considération le bien commun. Aimer quelqu’un, c’est vouloir son bien et mettre tout en œuvre pour cela. À côté du bien individuel, il y a un bien lié à la vie en société: le bien commun. C’est le bien du ‘nous-tous’, constitué d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui forment une communauté sociale.

L’amour dans la vérité – caritas in veritate – est un grand défi pour l’Église dans un monde sur la voie d’une mondialisation progressive et généralisée. Le risque de notre époque réside dans le fait qu’à l’interdépendance déjà réelle entre les hommes et les peuples, ne corresponde pas l’interaction éthique des consciences et des intelligences dont le fruit devrait être l’émergence d’un développement vraiment humain. Seule la charité, éclairée par la lumière de la raison et de la foi, permettra d’atteindre des objectifs de développement porteurs d’une valeur plus humaine et plus humanisante. Le partage des biens et des ressources, d’où provient le vrai développement, n’est pas assuré par le seul progrès technique et par de simples relations de convenance, mais par la puissance de l’amour qui vainc le mal par le bien (cf. Rm 12, 21) et qui ouvre à la réciprocité des consciences et des libertés.

 

L’Église n’a pas de solutions techniques à offrir et ne prétend « aucunement s’immiscer dans la politique des États » . Elle a toutefois une mission de vérité à remplir, en tout temps et en toutes circonstances, en faveur d’une société à la mesure de l’homme, de sa dignité et de sa vocation. Sans vérité, on aboutit à une vision empirique et sceptique de la vie, incapable de s’élever au-dessus de l’agir, car inattentive à saisir les valeurs – et parfois pas même le sens des choses – qui permettraient de la juger et de l’orienter. La fidélité à l’homme exige la fidélité à la vérité qui, seule, est la garantie de la liberté (cf. Jn 8, 32) et de la possibilité d’un développement humain intégral. C’est pour cela que l’Église la recherche, qu’elle l’annonce sans relâche et qu’elle la reconnaît partout où elle se manifeste. Cette mission de vérité est pour l’Église une mission impérative. Sa doctrine sociale est un aspect particulier de cette annonce: c’est un service rendu à la vérité qui libère. Ouverte à la vérité, quel que soit le savoir d’où elle provient, la doctrine sociale de l’Église est prête à l’accueillir. Elle rassemble dans l’unité les fragments où elle se trouve souvent disséminée et elle l’introduit dans le vécu toujours nouveau de la société des hommes et des peuples.

Entre le "N'ayez pas peur" de Jean-Paul II et le "Caritas in Veritate" de Benoît XVI , il y a effectivement une place pour cette nouvelle version du "Yes We can!" de qui-vous-savez que constitue le  "Ubi Societas, Ibi Jus" de cette dernière encyclique. Belle feuille de route pour un XXIè siècle qui commence, n'est-ce pas?

Quelques références et sources:

Daniel Cohen, Trois leçons sur la société post-industrielle, La République des idées / Seuil, 2006, ISBN 2.02.085170.9, 10,50 €

«L'amour dans la vérité»

Trois leçons sur la société post-industrielle : Au fil des pages ...
 
Trois leçons sur la société post-industrielle - AgoraVox le média ...


Libreria Editrice Vaticana:

Paul     VI, Lett. enc.     Populorum progressio (26 mars 1967)

Jean XXIII, Lett. enc.     Pacem in terris (11 avril 1963)

Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l’Église dans     le monde de ce temps     Gaudium et Spes

Jean-Paul II, Lett. enc.      Centesimus annus (1er     mai 1991)

Jean-Paul II, Lett. enc.      Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987)

Cf.     Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction     Dignitas personae     sur quelques questions de bioéthique (8 septembre 2008)

Benoît     XVI, Lett. enc.     Deus caritas est (25 décembre 2005)

Jean-Paul     II, Lett. enc.  Laborem exercens (14 septembre 1981)

Léon XIII, Lett. enc.     Rerum novarum (15 mai 1891)

Jean-Paul II, Lett. enc.     Veritatis splendor (6 août 1993)

Jean-Paul II, Lett. enc.     Evangelium vitæ     (25 mars 1995)

Jean-Paul II, Lett. enc.     Fides et ratio (14 septembre 1998)

Cf.     Conseil Pontifical pour la Justice et la Paix,     Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église

Cf.     Benoît XVI,      Discours aux membres de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies, New York, 18 avril 2008

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité