Géopolitique-Géostratégie.
Dans son grand discours diplomatique prononcé ce lundi 27 août 2007, le premier discours de ce type depuis son accession à
l'Elysée, M. Nicolas Sarkozy a affirmé la primauté "absolue" de la
construction européenne, maniant un vocabulaire sévère à l'égard de la
Russie, dont il a dénoncé la "brutalité", et de la Chine, trop encline
à "bafouer" les règles sociales.
Devant quelque 200
ambassadeurs de France, réunis à l'Elysée pour leur XVe conférence
annuelle, le nouveau chef de l'Etat a assoupli sa position sur l'entrée
de la Turquie dans l'Union tout en adoptant un style très offensif, en
rupture avec celui de son prédécesseur.
Le
nucléaire iranien - "la crise la plus grave qui pèse aujourd'hui sur
l'ordre international" - lui a fait employer des mots inédits.
"Un Iran doté de l'arme nucléaire est pour moi inacceptable", a déclaré
le chef de l'Etat. Pour lui, si Téhéran ne respectait pas ses
obligations, la communauté internationale sera face à "une alternative
catastrophique: la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran".
Une semaine après la visite surprise à Bagdad du ministre des Affaires
étrangères M. Bernard Kouchner, avec qui il a dit travailler "en totale
confiance", M. Sarkozy a répété que Paris demeurait "hostile à
cette guerre" et réclamé à Washington "un horizon clair concernant le
retrait des troupes étrangères" d'Irak.
Partisan d'un dialogue
"sans complaisance et sans tabou" avec les "alliés" américains de la
France, M. Sarkozy, qui a rencontré George Bush pendant ses
vacances sur la côte Est des Etats-Unis, a haussé le ton pour dénoncer
le manque d'efforts consentis par son homologue pour lutter contre le
réchauffement de la planète.
"Quand on revendique le
leadership, il faut l'adopter dans tous les domaines", a-t-il insisté
dans la salle des fêtes du palais présidentiel.
"Quand on est
une grande puissance, on doit ignorer la brutalité", a-t-il poursuivi à
l'adresse cette fois de Moscou, coupable à ses yeux d'user sans
ménagement de ses "atouts" énergétiques pour s'imposer sur la scène
mondiale.
La Chine, a souligné le chef de l'Etat, est également
en train de transformer sa "quête insatiable de matières premières en
stratégie de contrôle, notamment en Afrique", au mépris des "normes
sociales" et en utilisant le yuan comme une arme politique.
A
un mois de l'Assemblée générale des Nations unies, Nicolas Sarkozy a
lancé une série d'idées à même selon lui de faire évoluer un monde "à
la fois global et émietté, fait d'interdépendances non maîtrisées".
INFLÉCHISSEMENT SUR LE DOSSIER TURC
Adepte d'un élargissement du Conseil de sécurité de l'Onu, M. Sarkozy a notamment suggéré de transformer le G8 en G13 en y invitant
les puissances émergentes que sont la Chine, l'Inde, le Brésil, le
Mexique et l'Afrique du Sud.
Il a repris à son compte les
craintes de Jacques Chirac d'une "confrontation entre l'Islam et
l'Occident", évoquée à plusieurs reprises dans son discours.
Au
Moyen-Orient, il a laissé ouverte la porte d'un dialogue avec la Syrie,
invitée à agir pour favoriser une sortie de crise au Liban. "Si Damas
s'engageait dans cette voie, alors les conditions d'un dialogue
franco-syrien seraient réunies", a-t-il expliqué.
"Je ne
transigerai jamais sur la sécurité d'Israël", a-t-il lancé par
ailleurs, ajoutant que cette amitié l'autorisait "à dire aux dirigeants
israéliens et palestiniens que la France est déterminée à prendre ou à
soutenir toute initiative utile".
Un mois après son voyage en
Libye, M. Sarkozy a confirmé son désir de voir ce pays "rejoindre le concert des Nations".
Le président a
placé la construction européenne au rang de "priorité absolue de notre
politique étrangère", défendant une Europe de la défense
"indépendante", qui ne saurait s'opposer à l'Alliance atlantique. La
France prendra "des initiatives très fortes" en ce sens dans les mois
qui viennent, a-t-il annoncé.
Son discours de rentrée a été marqué par un infléchissement de sa position dans le dossier turc.
Le chef de l'Etat, qui avait répété durant sa campagne présidentielle
qu'il ferait obstacle à l'adhésion à l'Union européenne de ce "pays
d'Asie mineure" a dit qu'il ne s'opposerait pas à l'ouverture de
nouveaux chapitres de négociation avec ce pays.
Mais il a
assorti cet assouplissement d'une condition: l'ouverture avant la fin
de l'année d'une réflexion sur l'avenir de l'Europe à l'horizon
2020-2030, qui pourrait être confiée à un comité "de dix à douze sages
de très haut niveau".
A suivre.