Veuillez lire.
Permettez-moi, voulez-vous, de vous proposer la lecture d'un texte de Jacques ELLUL. Propos surprenants sur cette tribune politique? Peut-être pas.
Veuillez vous donner la peine de lire et de réfléchir à ces lignes qui sont toujours d'actualité au moment où la poursuite d'intérêts électoralistes conduit les icônes politiques du moment à s'emparer de thèmes qu'elles devraient craindre de toucher car ils constituent les fondations et les colonnes de la Cité même.
Cher Lecteur qui me faites l'amitié de parcourir ces pages, vous aurez compris qu'un engagement politique et une ambition légitimes peuvent être tout autre chose qu'un combat de bêtes féroces, une lutte d'égoïsmes et un étalage de veuleries au nom du bien commun.
« Lorsque nous aurons vraiment pris au sérieux la situation concrète
des hommes et des femmes de notre temps, que nous aurons entendu leur
cri d'angoisse et que nous aurons compris pourquoi ils ne veulent pas
de notre Évangile désincarné; lorsque nous aurons participé à leur
souffrance, charnelle et spirituelle, à leur désespoir, à leur abandon;
lorsque nous serons devenus solidaires de nos compatriotes et de notre
universelle Église, comme Moïse et Jérémie de leur peuple, comme Jésus
des foules errantes, troupeau sans berger, alors notre voix pourra
annoncer la parole de Dieu. Mais pas avant! [..] Ce n'est pas la Parole
qui doit changer et leur apporter autre chose, c'est leur situation.
[..] Nécéssité de la révolution dans un monde où elle est devenue
impossible, et d'une révolution qui attaque les structures profondes
d'une civilisation dont tous les efforts tendent vers cet unique but:
transformer en pourceaux tous les êtres humains, qui ne peuvent plus de
ce fait recevoir les perles de l'Écriture. Nécessité d'une redécouverte
du sens de l'activité humaine, de la situation des moyens et des fins,
de leur place véritable dans un monde tout entier livré à l'esprit de
puissance, au dérèglement, à l'orgueil de moyens sans bornes et qui
nous absorbent sans réserve possible. [..] Tant que la solidarité entre
chrétiens ne se traduira pas dans une aide pour permettre à chacun de
trouver un équilibre de vie, de rechercher un style de vie où s'incarne
vraiment sa foi (non pas pour éviter de crever de faim), elle ne sera
qu'un mot. Et ceci seulement montre à quel point cette recherche peut
conduire dans des sentiers désagréables à nos chères habitudes. [..]
Mais c'est à ce prix que la bonne nouvelle du salut en Christ sera
autre chose qu'une parole humaine parmi d'autres paroles humaines... »
Jacques ELLUL, Présence au monde moderne, 1948, conclusion.