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Allo! DME! Dix millions d'électeurs! Renaud Bouchard -2017-2022
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8 novembre 2010

L’après remaniement gouvernemental : incohérence temporelle et illégitimité politique. L’émergence d’un nouveau paradigme.

Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur, Que ce granit du moins montre à jamais sa borne Aux noirs vols du blasphème épars dans le futur. Mallarmé, Tombeau d’Edgar Poe Le peuple est la source de tout pouvoir démocratique, mais l'élection ne garantit pas qu'un gouvernement soit au service de l'intérêt général, ni qu'il y reste explique Pierre Rosanvallon dans son intéressant ouvrage sur la Légitimité démocratique (1) . Le verdict des urnes ne pouvant donc être le seul étalon de la légitimité, ce que les citoyens ont parfaitement compris en manifestant une appréhension élargie de l'idée de volonté générale, il apparaît qu’un pouvoir n'est désormais considéré comme pleinement démocratique que s'il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l'expression majoritaire. Or, ces épreuves de contrôle et de validation, l’actuel gouvernement ou ce qu’il en reste s’y est soustrait en éludant le débat sur les retraites et en jouant la carte forcée d’une réforme majeure tant à l’échelle de la France que de l’Union européenne. Le Pouvoir vient de rater de manière magistrale l’occasion qui lui était offerte d’asseoir son autorité dans un domaine où il aurait pu, dû faire preuve avec tact et intelligence de son souhait de rupture pour une France d’après. C’est que, pour reprendre la triple légitimité démocratique que distingue P. Rosanvallon, il aurait dû se plier à un triple impératif de mise à distance des positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d'impartialité), de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de réflexivité), et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de proximité), tout ce qu’en définitive résument les piques récurrentes de tel ou tel candidat à l’élection présidentielle, adversaire du chef de l’Etat. On en est, hélas ! fort loin et l’actualité vient confirmer ce que chacun sait désormais : que le pouvoir n’a cure d’un tel objectif puisque tout son comportement montre, avec la question des retraites, qu’il n’a d’ailleurs jamais eu l’intention de prendre en considération l’opinion publique. Dès lors, qu’advient-il lorsque la légitimité première, celle de l'élu, a fortiori celle du chef de l’Etat, est entamée, sinon largement obérée, et avec elle celle de la « majorité présidentielle » ? Que se passe-t-il lorsque le suffrage universel ne suffit plus à garantir ni la représentation pleine et entière du peuple, puisque le fait majoritaire apparaît dans sa dimension la plus arithmétique avec l’identification clanique d’un parti de gouvernement d’un côté, d’une opposition sans projet politique susceptible de lui conférer une crédibilité dans son désir d’alternance, de l’autre, ni la poursuite de l'intérêt général par ceux qui en sont issus, lorsque certains servent avant tout des intérêts particuliers ? Qu’advient-il lorsqu’en manifestant clairement son inquiétude, son désaccord et ses aspirations en descendant dans la rue, le corps social s’interroge quant à lui légitimement sur le point de savoir si le moment électoral vaut encore pour la durée du mandat présidentiel et législatif? La réponse est des plus simples : il se produit un changement politique radical, changement qui s’explique par le fait qu’une légitimité – quelle qu’elle soit – ne tient que par la crédibilité qu’elle génère et qui la soutient. Comme le montre désormais la triple situation politique, économique et sociale que la France renvoie en écho à ses dirigeants en fin de course et obsédés par le dur désir de durer jusqu’à 2012 et au-delà, l’une n’est rien sans l’autre. C’est qu’en effet, victime de cette incohérence temporelle (2) qu’il a suscitée avec des promesses non tenues assises sur une rhétorique inconsistante ou battue en brèche par une réalité qui lui a résisté, l’homme qui n’a pas compris qu’il était préférable de travailler mieux pour vivre mieux plutôt que de travailler plus pour gagner plus, et qu’avant de gagner plus il convenait déjà de gagner de quoi vivre décemment, cet homme, dis-je, et l’appareil politique qui l’entoure ont définitivement perdu toute légitimité et, partant, toute qualité pour gouverner. La plus parfaite illustration de cette situation en est l’illisibilité institutionnelle et l’impasse politique dans laquelle se trouve depuis près de huit mois l’artisan d’un remaniement gouvernemental fantomatique plus proche du théâtre d’ombres que de la volonté d’enclencher un processus destiné à conduire la France et l’Europe dans un XXIè siècle et un monde que des forces gigantesques sont en train de modeler et façonner. L’anormalité de la situation n’aura échappé à aucun Français. Conduit par l’unique souci de sauver un quinquennat éreinté dans la perspective d’élections cantonales, sénatoriale et présidentielles à venir, le sarkozysme a vécu et ne sera pas sauvé par les tentatives de redorer un blason terni auprès des forums internationaux que sont le G20 et le G8. En dévoilant une version nationale des hauteurs béantes et les décombres de réformes mal pensées et mal conduites, ce même sarkozysme laisse de facto la place à un immense boulevard de transformations radicales et intelligemment conçues pour l’avenir immédiat du pays.Un nouveau paradigme est en effet en train d’émerger, constitué de valeurs et d’aspirations nouvelles auxquelles les factions politiques actuelles ne comprennent rien quand elles n’en ont même pas conscience. Un monde nouveau se fait jour et il est effectivement urgent de fermer cette parenthèse politique qui aura vu la mise à bas des institutions de la Vème République.Un programme se prépare, véritable relève, véritable renaissance, puissante alliance des forces vives de la Nation au-delà des coteries partisanes actuelles qui offrira au seul parti qui vaille, celui des Français, la possibilité dans dix-huit mois de réellement clore le pitoyable intermède qu’aura été ce mélange de flagornerie, de rodomontades et de promesses fallacieuses d’une Vème République exténuée par une honteuse stratégie de blasphème politique. Dès lors, peut-on sérieusement croire que l’opération d’esbroufe qui est en train de se mettre en place pour l'obtention d'un nouveau mandat présidentiel à l’échéance 2012 est acceptable ? Peut-on sérieusement prendre comme un fait déjà acquis que se joue une fois de plus, avec l’assujettissement d’un électorat complice ou une fois de plus désireux de « voter utile » en reprenant les mêmes champions fatigués, un ballet déjà ordonnancé d’une alternance entre deux partis de gouvernement d'un autre âge ? Certainement pas ! Un autre choix s’impose, que commandent les événements que vit la France et qu’elle s’apprête à vivre dans les semaines, les mois et les années à venir : un immense et profond aggiornamento pour reprendre sa place avec l’Europe et dans le monde. Notes et références: I- Pierre Rosanvallon. La légitimité démocratique. Impartialité, réflexivité, proximité. Coll. Points, Essais. Paris, Éditions du Seuil, 2010 2- Samuel Férey, Incohérence temporelle et théorie de l’interprétation constitutionnelle, www.gredeg.cnrs.fr/Documents/2010/Ferey_gredeg.pdf Samuel Férey appelle incohérence temporelle la situation dans laquelle se trouve un individu, une institution, un État ou un organe d’État, en charge de définir un ensemble d’action (une politique) sur plusieurs périodes de temps futur lorsqu’il a intérêt à annoncer et promettre en t0 de faire quelque chose en t1 tout en ayant parallèlement intérêt, une fois arrivé en t1, à violer cet engagement. Tant que les agents économiques croient à ses promesses, il pourra réitérer ce comportement, mais dès lors que les individus prennent conscience de la situation d’incohérence temporelle dans laquelle il se trouve, qu’ils anticipent qu’il agit selon son propre intérêt, alors ils ne croiront plus à ses annonces en t0. C’est là tout l’enjeu de l’incohérence temporelle : elle génère une méfiance absolue des destinataires des annonces puisque ceux-ci savent que celui qui les émet n’a aucune raison de s’y tenir dans le futur.
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