Elections parlementaires 2009, référendum "ex post" sur l'Union européenne.
Un optimisme généralisé régnait au
début du Conseil européen de Lisbonne débuté ce jeudi 18 octobre 2007 et qui doit mettre un point final à une décennie
de négociations sur l'organisation des institutions de l'Europe élargie. Les dirigeants européens réunis sous les meilleurs augures vont en effet tenter de
parvenir à un accord sur un nouveau traité censé remplacer la défunte
Constitution européenne.
Avec retard, ce traité, qui sera baptisé "traité de Lisbonne", entend
en effet adapter l'UE à son extension à l'ancien bloc communiste d'Europe de
l'Est, qui l'a faite passer de 15 à 25 puis depuis le début de l'année
à 27 pays avec l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie.
Le traité, sur la substance duquel les dirigeants européens se sont mis d'accord à l'arraché en juin, a vocation à remplacer le projet de Constitution rejeté lors de référendums par les Français et les Néerlandais en 2005, un "non" qui avait plongé l'Europe dans la crise.
Il en reprend néanmoins des parties importantes, sur l'augmentation des mesures prises à la majorité plutôt qu'à l'unanimité, le renforcement des pouvoirs du Parlement européen ou encore la Charte des droits fondamentaux.
Une fois approuvé, le traité devra être signé et surtout ratifié dans les 27 pays de l'Union européenne.
"Oh oui, je suis très optimiste". "Je pense vraiment qu'il y a une bonne chance de conclure les
négociations ce soir", a déclaré Le Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen. C'est qu'en effet, pour le Premier ministre luxembourgeois
Jean-Claude Juncker, comme pour tous ses homologues, il est temps d'en
finir avec une longue période d'introspection institutionnelle aggravée
par les "non" français et néerlandais à la Constitution en 2005.
Tous les éléments sont en effet réunis pour un accord.
UN NOUVEAU TRAITÉ POUR 2009?
Les juristes des Vingt-Sept ont passé l'été à traduire en articles le
mandat très précis adopté en juin par les dirigeants européens et sont
parvenus à un compromis.
Le texte reprend l'essentiel des dispositions de la Constitution, tel
le nouveau mécanisme de votes, la création d'un poste de président
stable du Conseil européen, l'octroi de véritables pouvoirs au
porte-parole de la diplomatie européenne et l'extension du vote à la
majorité qualifiée.
Pour des informations détaillées, veuillez consulter un intéressant comparatif : L'OBSERVATOIRE DE L'EUROPE APRES LE NON
Si tout se déroule comme prévu, le
nouveau traité sera signé en décembre au Portugal avant que d'être ratifié
par tous les parlements pour entrer en vigueur le 1er janvier 2009.
Avec le Royaume-Uni, tout a été clarifié,
ce qui permettra à Gordon Brown de résister aux appels en faveur d'un
référendum à haut risque dans son pays.
"Nous pouvons démontrer
que nous avons défendu l'intérêt national britannique sur tous (les)
points", a-t-il déclaré en expliquant qu'il n'aurait en revanche aucune
hésitation à soumettre à référendum l'adhésion du Royaume-Uni à l'euro. Verba volent...
Londres a obtenu le droit de participer "à la carte" aux coopérations
en matière policière et judiciaire qui l'intéressent, sans pour autant pouvoir
empêcher ses partenaires européens d'approfondir leur intégration dans
ce domaine.
La Charte des droits fondamentaux ne s'appliquera
pas non plus au Royaume-Uni et à la Pologne, mais elle acquiert une
force juridique contraignante pour les 25 autres pays et le vote à
l'unanimité reste la règle en matière de politique étrangère.
Bref, il est temps de clore le débat pour, selon Brown, s'attaquer aux
vrais problèmes, l'emploi, la croissance économique, le réchauffement
climatique et le terrorisme.
La Pologne, autre enfant terrible
de l'UE, a mis beaucoup d'eau dans son vin, même si le scrutin
législatif de dimanche risque d'inciter les jumeaux Kaczynski à
arracher quelques concessions de dernière minute lors du sommet de
Lisbonne.
"Nous ne voulons rien d'autre que la reconnaissance
de nos droits", a dit le président Lech Kaczynski à la radio polonaise
en menaçant de "retarder la discussion" dans le cas contraire.
QUELQUES SIÈGES DE PLUS?
Les Polonais ne remettent plus du tout en cause l'accord sur le
fonctionnement du système de vote à la double majorité, dont l'entrée
en vigueur a été reportée de facto à 2017.
Mais ils continuent
à demander qu'un texte obscur, le "compromis de Ioannina", qui permet à
un pays mis en minorité après cette date de demander la poursuite des
négociations, figure dans un "protocole" annexé au traité qui ne pourra
être modifié qu'à l'unanimité et pas dans une simple déclaration.
Selon un diplomate, ils auront les deux: un protocole maintenant le
compromis de Ioannina et une déclaration expliquant qu'il ne pourra
être modifié que par consensus.
Reste le problème italien.
Rome est en effet fort mécontent de la nouvelle répartition des sièges au Parlement
européen, proposée par les députés la semaine dernière, qui lui ferait
perdre six parlementaires, de 78 à 72, par rapport à la situation qui
prévaut aujourd'hui.
Mais l'Italie ne compte pas opposer son
veto au traité pour cette raison, tout en demandant que l'on négocie
ultérieurement une nouvelle répartition lui donnant un siège de plus.
Le vrai problème est ailleurs:
Sara Hagermann, qui exerce les fonctions d'analyste politique pour l'European
Policy Centre (cf. "The EU Reform Treaty : easier signed than ratified", by Sara Hagermann EPC - Policy Brief - juillet 2007), attire en effet l'attention des dirigeants européens sur les
difficultés que peut rencontrer la présidence portugaise pour faire
aboutir le mandat décidé lors du Conseil européen de juin 2007. Deux aspects
ne doivent pas être pris à la légère, alors que le traité doit
absolument être ratifié avant les élections parlementaires de 2009 -
qui pourraient bien se transformer en référendum "ex post" sur l'Union
européenne.
C'est là le véritable écueil.
D'une part, l'accord auquel ont abouti les Etats
membres n'est que verbal, et il n'est pas exclu qu'il y ait des
rétractations. Or, si l'on touche à un point du traité, explique S. Hagerman, c'est
l'équilibre entier de la négociation qui est remis en cause. De surcroît, Sara Hagermann pense que même une fois le traité signé par tous
les chefs d'Etat et de gouvernement, l'étape de la ratification
s'avérera délicate.
L'auteur analyse la situation dans chacun
des Etats membres pour mesurer les enjeux qui entourent la ratification
du futur traité. Dans certains pays, explique-t-elle, cette procédure ne va pas de soi,
que ce soit par voie parlementaire ou référendaire. Selon l'analyste,
l'issue du processus de ratification sera dépendante de l'ordre de
ratification (il faudrait éviter "l'effet domino" qui a eu lieu lors de
la ratification du traité constitutionnel), mais aussi du soutien ou
non des gouvernements pour le traité, qui ne peut être compté comme
acquis.
Pour Sara Hagermann, "il n'y a pas de temps à perdre".
Il faut dès maintenant lancer un débat incluant les groupes d'intérêts
et les citoyens afin qu'ils s'approprient les futures réformes.
On ne fera pas l'économie d'un véritable débat.