Coup d'Etat à Téhéran ou révolution de palais à la Maison Blanche? l'Iraq Study Group et le Rapport de James Baker.
L'Iran vient de remporter une extraordinaire victoire diplomatique.
Voici comment:
Créé le 15 mars 2006 à l'initiative du Congrès des Etats-Unis pour évaluer la situation sur le théâtre des opérations, l'Iraq Study Group, - www.usip.org -, codirigé par l'ancien secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères James Baker et l'ex-parlementaire Lee Hamilton, a donc fait connaître ce mercredi 6 décembre 2006 le résultat de neuf mois d'une enquête particulièrement pointue.
Excluant toute victoire militaire des Etats-Unis en Irak et préconisant avec 79 recommandations, à l'instar du secrétaire à la Défense Robert Gates, un changement radical de la politique jusqu'alors menée par le Président George W. Bush, ce rapport constitue à n'en pas douter les prémisses d'une mutation géopolitique de première grandeur.
Ce document qui appelle à "bâtir un consensus international" et à "aider les irakiens à s'aider eux-mêmes", invite en effet les "voisins de l'Irak" et "Etats-clés" (...) à se regrouper dans un "groupe de soutien pour renforcer la sécurité et la réconciliation nationale en Irak."
L'invitation est d'autant plus intéressante que, partant du constat que "les Etats-Unis ne peuvent atteindre leurs buts dans le Moyen-Orient" s'ils ne s'impliquent pas "directement" dans le règlement du "conflit israélo-arabe", elle conduit ces mêmes Etats-Unis à "engager" l'Iran et la Syrie dans ce processus en raison de leur capacité-même "d'influencer les évènements."
L'avenir dira si la mise en oeuvre de ce rapport aura été un coup d'arrêt à la doctrine formulée en 2002 par George Bush Jr ("Stratégie nationale pour la victoire en Irak") qui augurait que la victoire de la liberté en Irak inspirerait les réformistes démocratiques, de Damas à Téhéran...
Que va faire George W. Bush? Va-t-il attendre de connaître les résultats des deux autres rapports qu'il a commandés sur la situation en Irak et que doivent encore lui remettre le Pentagone et la Maison Blanche pour se déterminer ou va-t-il fléchir devant les conclusions de la commission Baker, ce groupe conjoint de dix personnalités démocrates et républicaines qui pilotent l'Iraq Study Group et qui entendent bien affirmer haut et fort que les élections de la mi-mandat du 7 décembre dernier ont marqué l'échec d'une politique étrangère désastreuse?
Les troupes américaines vont-elles se désengager partiellement de l'Irak pour conforter la situation problématique que révèle l'autre engagement actuellement en cours en Afghanistan?
La réponse de Robert Gates offre un premier élément de réponse: "Ma plus grande inquiétude, dit-il, si nous nous y prenons mal dans l'année ou les deux ans à venir, et si nous quittons un Irak en plein chaos, est que plusieurs puissances régionales s'impliquent en Irak. Nous nous retrouverions avec un conflit régional. L'Iran, la Turquie, la Syrie, l'Arabie Saoudite ne resteraient pas les bras croisés. Il serait surprenant que les pays sunnites du Moyen-orient regardent sans rien faire si la population sunnite d'Irak subissait un nettoyage ethnique."
Plusieurs observations s'infèrent de ce constat :
-L'implication de plusieurs puissances régionales, dont une, majeure, est déjà effective.Très paradoxalement, l'Iran ne souhaite en aucun cas le retrait des troupes américaines, les seules à prévenir ce que Téhéran comme Ankara redoutent le plus : un éclatement de l'Irak.
En effet, si l'un des objectifs de l'Iran est d'apporter un soutien aux groupes armés chiites qui participent à l'enlisement des forces américaines, celui de la Turquie est de gérer au mieux, en s'appuyant sur la minorité Turkmène, la montée en puissance d'un Kurdistan qui pourrait pleinement contrôler les ressources pétrolières de Kirkouk.
-La guerre civile et confessionnelle est déjà ouverte entre chiites et sunnites.
Il va donc falloir se rendre à l'évidence: un seul pays est actuellement capable de ramener l'ordre et la paix dans la région.
Son nom? La République Islamique d'Iran.
Notes complémentaires:
In early 1999, a team largely drawn from the middle echelons of the first Bush administration began to act as foreign policy advisors to Geore W. Bush.
- Richard Armitage had performed various ambassador and emissary roles around the world for Bush Sr.
- Robert Blackwill had been Presidential Assistant for European and Soviet Affairs for Bush Sr.
- Stephen Hadley had been U.S. Assistant Secretary of Defense for International Security Policy.
- Richard Perle had been U.S. Assistant Secretary of Defense during the Reagan administration.
- Dov Zakheim had been U.S. Deputy Under Secretary of Defense for Planning and Resources.
- Robert Zoellick had been aide to U.S. Secretary of State James Baker.
- Condoleezza Rice was appointed U.S. National Security Advisor and later U.S. Secretary of State in Bush's Second Administration.
- Paul Wolfowitz was appointed U.S. Deputy Secretary of Defense under Donald Rumsfeld and later president of the World Bank.
- Richard Armitage was appointed U.S. Deputy Secretary of State under Colin Powell.
- Robert Blackwill was appointed U.S. Ambassador to India and later U.S. Deputy National Security Advisor.
- Stephen Hadley was appointed U.S. Deputy National Security Advisor under Rice and later U.S. National Security Advisor.
- Richard Perle was appointed chairman of the U.S. Defense Policy Board Advisory Committee.
- Dov Zakheim was appointed Comptroller of the Pentagon.
- Robert Zoellick was appointed U.S. Trade Representative and later United States Deputy Secretary of State.
JAMES MANN, Rise of the vulcans : the history of the war cabinet.
Ces « vulcains » sont les spécialistes de politique étrangère qui, sous la houlette de Mme Condoleezza Rice, expliquaient durant la campagne présidentielle de 2000 le fonctionnement du monde au candidat George W. Bush. Avant d’occuper les postes-clés dans son administration. L’ouvrage est bâti autour de biographies croisées où se côtoient néoconservateurs (MM. Paul Wolfowitz et Richard Perle), droite musclée (MM. Richard Cheney et Donald Rumsfeld) et républicains modérés (M. Colin Powell). L’après-11-Septembre verra l’alliance des deux premiers groupes et la marginalisation du troisième. L’idée de guerre préventive deviendra alors doctrine. Les précédents historiques sont révélateurs. Sous la présidence de M. Gerald Ford (1974-1977), M. Rumsfeld cherchait, avec la complicité de son adjoint Cheney, à saboter la politique de détente du secrétaire d’Etat Henry Kissinger. A la même époque, M. Wolfowitz faisait ses premières armes au sein du « Team B », sorte d’équipe de renseignement bis chargée de « gonfler » les estimations de la CIA en matière d’armement de l’URSS : les données officielles étaient jugées insuffisamment inquiétantes. cf. Ibrahim Warde Source :www.monde-diplomatique.fr/2006/01/WARDE/13143 - 34k
James Baker ? www.voltairenet.org/article11620.html - 47k
Lee Hamilton? http://congress.indiana.edu/about/lhh_bio.htm
Robert Gates? en.wikipedia.org/wiki/Robert_Gates - 65k