Il faut arrêter Arturo Ui. Deuxième Lettre ouverte à Monsieur le président de la République.
Ah ! La résistible ascension d’Arturo Ui !
On devrait se
souvenir de cette création littéraire de Bertold Brecht qui relate l’histoire
d’Arturo Ui, ce chef minable d'une bande de gangsters du Bronx qui réussit à s'imposer par la terreur comme
"parrain" du trust du chou-fleur à Chicago, et qui, après avoir
réduit au silence le politicien corrompu Hindsborough, fait éliminer par Gori
(Goering) et Gobbola (Goebbels), ses séides, un homme de main à lui, Roma
(Röhm), assassine le patron du trust des légumes de Cicero, la ville voisine,
séduisant la veuve de celui-ci, quasiment sur le cercueil de la victime. Le
résultat est que l'on vote partout pour lui, tant à Cicero qu'à Chicago.
D'autres crimes et d'autres conquêtes suivront, car rien n'arrêtera Arturo Ui,
hormis les peuples, qui finiront par en avoir raison. "Mais il ne faut pas
nous chanter victoire, il est encore trop tôt : le ventre est encore fécond,
d'où a surgi la bête immonde."
Ah !
Que nous aura-t-on répété les « plus jamais ça ! »etc…Et
pourtant, avec l’actualité qui galope, il va être difficile de dire que
« l’on ne savait pas ! »
Au moment où commencent les grandes manoeuvres du
projet de loi sur l'immigration, au moment où le Premier ministre déclare le mardi 25 avril 2006 à la Sorbonne. avoir "entendu
une clameur lointaine, l'écho d'un espoir, d'une attente, qui (lui) a fait
chaud au cœur "- alors qu 'il ne s'agissait que de la clameur de
manifestants tenus à l'écart - voici que le maire de Montfermeil adopte deux
arrêtés municipaux règlementant la circulation des adolescents dans un
périmètre déterminé de sa commune.
Et voici
que ce jeudi 27 avril, invité sur la chaîne de télévision TF1 au journal
télévisé de 20 heures à défendre sa politique d'"immigration
choisie", nourrissant les feux de la polémique qu’il a lancée en
déclarant, samedi dernier , devant les adhérents de l'UMP: " s'il y en a
que cela gêne d'être en France, qu'ils ne se gênent pas pour quitter un pays
qu'ils n'aiment pas", le ministre
de l'Intérieur et président de l'UMP a donc expliqué doctement à qui voulait
bien l’écouter que sa politique permettra de lutter contre la
"xénophobie" et d'éviter des "événements" comme ceux de
novembre dans les banlieues.
« Si je ne mène pas cette politique, il ne faudra pas se plaindre
que les tentations xénophobes, que le racisme, l'intégrisme se développent dans
nos quartiers. Il ne faudra pas se plaindre d'avoir de nouveau des événements
comme en novembre», a-t-on pu entendre.
Je crois
nécessaire de compléter ce propos en disant qu’il ne faudra effectivement pas se
plaindre, lorsqu’elle sera mise en place, si cette politique d’immigration
déclenche de nouveaux troubles sociaux.
Où est-elle
cette jeunesse qui a eu le courage de descendre dans la rue pour défendre ses
droits et contester la mise en place du fameux CPE ?
Où
sont-ils ces syndicats qui ont su reconstituer un front uni ?
Que font
nos concitoyens ?
Ont-ils
vraiment réalisé qu’au mois de novembre dernier nous avons eu un ministre de l’Intérieur qui, par son comportement et ses propos erratiques,
a allumé les prémisses d’une véritable guerre civile ?
Comment ne pas voir que les propositions de dialogue
que le ministre de l'Intérieur a mises en place avec les représentants des
autorités religieuses chrétiennes de notre pays ne sont que poudre aux yeux
dans la mesure où la rédaction du projet de loi est bouclée?
«La grande différence avec le CPE, c'est que
l'opinion publique est derrière nous», affirme ainsi Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités
locales.
Si tel est le cas, la situation est grave.
Qui saura mettre un terme tant qu'il en est encore
temps aux menées de ces hommes politiques dévorés d'ambition, prêts à exalter
les sentiments xénophobes d'un électorat en perdition qui rejette son mal de
vivre sur les autres, pour récupérer le plus possible de voix?
Qui voudra se lever pour chasser ces ombres malsaines, indignes de notre pays?
Je réponds sans crainte. Moi.
Ne voyez-vous pas, Monsieur le Président, que la
colère a rendez-vous en 2007 ?
Ne voyez-vous pas que des deux côtés du spectre
politique on assiste à la mise en place d’un électorat de droite chauffé à
blanc par un populisme malsain auquel fait face l’autre vote protestataire
d’une extrême gauche très active, même si elle est divisée?
Et vous accepteriez que l’on continuât à jouer avec
des allumettes dans une atmosphère aussi explosive ?
Ne voyez-vous pas qu’au-delà de la perte de
légitimité de l’ensemble des formations de gouvernement actuelles, la méthode
utilisée pour aborder et traiter intelligemment les questions qui ont trait à
l’immigration va causer de manière irrémédiable cette fracture civique que
chacun redoute pour l’avenir de notre pays?
Il est grand temps de réunir une majorité, la majorité de tous ceux qui
refusent une France xénophobe, celle de tous ceux qui savent ce que les mots de République française signifient encore.
C'est la raison pour laquelle je désire que des millions de gens, en France
comme dans l'Union Européenne, mais aussi chez tous ceux qui se reconnaissent
dans le fait "qu'il n'y a de richesse que d'hommes", comme le disait
Jean Bodin, se lèvent avec moi pour empêcher que ne prospère plus longtemps encore
la duperie de ceux qui n'hésitent pas à fouler par pure ambition personnelle,
dans la perspective de la prochaine consultation électorale nationale, les termes
du Préambule de notre Constitution et son Article premier qui disposent que :
"La France La France
Opposé à toute forme de xénophobie, opposé à la
démission de notre Nation que l’on mène sur un chemin périlleux, je vous
demande, Monsieur le Président, de m’appeler sans tarder pour conduire le
changement de notre pays vers d’autres horizons.
Renaud Bouchard