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4 août 2011

Christine Lagarde, comptable de fait(s) ? Petites mains et longues mains : deux questions majeures.

Business  as usual : le collier des affaires de la République s’orne d’une nouvelle perle de choix.

 

"Il y a une femme dans toutes les affaires ; aussitôt qu'on me fait un rapport, je dis : « Cherchez la femme !»

 

                                                                                              Alexandre Dumas

 

La commission des requêtes de la CJR, cour de nature constitutionnelle qui confère un privilège de juridiction aux ministres qu’elle juge durant l’exercice de leurs fonctions, a accepté la demande d'ouverture d'enquête déposée pour « abus d'autorité » par le procureur général de la Cour de cassation, M.Jean-Louis Nadal, le 10 mai 2011. Le procureur général près la Cour de cassation par intérim, Madame Cécile Petit, saisira dans les jours à venir la commission d'instruction de la CJR, composée de trois magistrats de la Cour de cassation, aux fins de mener  des investigations pour savoir si l'ex-ministre de l’économie, Madame Christine Lagarde, s'est rendue coupable des infractions de « complicité de faux » et « complicité de détournement de biens publics » – infractions passibles de dix ans de prison et 150.000 euros d'amende - lors de la procédure d'arbitrage ayant mis fin en juillet 2008 au conflit opposant Bernard Tapie et l'ancienne banque publique Crédit Lyonnais à l’occasion de la vente litigieuse de la firme Adidas survenue en 1993.

Il s’agit désormais de mener une enquête sur les circonstances qui ont pu conduire l’ex ministre à :

- abandonner en 2007 la voie judiciaire dans un litige concernant la revente de la firme Adidas en 1993, au profit d'une procédure d'arbitrage, et donc d’une juridiction privée,

- renoncer à contester la sentence (i.e la décision) de ce même tribunal arbitral, juridiction privée qui avait condamné en juillet 2008 le Consortium de Réalisation (CDR), structure publique qui gérait le passif du Crédit Lyonnais, à verser à Bernard Tapie la somme de 285 millions d'euros d'indemnités (400 millions d'euros avec les intérêts), dont 45 millions d'euros au titre du préjudice moral.

Le chef de « complicité de faux » a été retenu car le compromis d’arbitrage du litige entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais a été modifié en cours de procédure, permettant aux époux Tapie de toucher 45 millions d’euros au seul titre du préjudice moral.

On rappellera que Bercy avait estimé à l’époque que l'heureux bénéficiaire ne devait toucher au bout du compte qu'entre 20 et 50 millions de l'Etat, en raison de diverses déductions, notamment fiscales…

S’il s’agit donc bien – une fois de plus d’argent -, il s’agit plus particulièrement de beaucoup d’argent et – détail notable – d’argent public.

Or il se trouve qu’en l’espèce, et ceci dans le but de protéger le Bien Commun des malversations éventuelles de ses agents ou des détenteurs du pouvoir, un grand principe du droit français ordonne la séparation des ordonnateurs et des comptables en réservant à ces derniers et à eux seuls  le maniement des deniers publics ; l’autorité qui ordonne la dépense ne peut jamais en l’absence de dispositions législatives expresses être chargée d’en assurer le paiement.

 

Mais si des ordonnateurs ou des fonctionnaires ou des particuliers s’immiscent dans le maniement de ces derniers, ils deviennent comptables de fait, c’est à dire qu’ils se sont comportés comme des comptables sans en avoir la qualité légale. Leur gestion irrégulière est dite de gestion de fait. La Cour des Comptes distingue ainsi, avec une symbolique superbe,  entre les comptables de « brève main » et les comptables de « longue main » :

- le comptable de fait dit de « brève main » est celui qui a manié les fonds irrégulièrement extraits de la caisse publique ;

- le comptable de fait dit de « longue main » est celui qui a ordonné ou organisé le maniement irrégulier sans avoir effectivement manié les fonds.

 

Lors de sa saisine de la CJR alors  qu’il était procureur général près la Cour de Cassation - M. Jean-Louis Nadal (aujourd’hui retraité) ne soupçonnait qu'un éventuel « abus d'autorité », infraction malgré tout passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.

 

Le monde est donc cruel, inutilement compliqué, dira-t-on. Présomption d’innocence ! Certes. Mais il convient d’être complet et d’informer le lecteur, s’il ne le sait déjà, que le 25 mai 2011, Monsieur Jean-François Bénard, procureur général près la Cour des Comptes, a pour sa part saisi la Cour de discipline budgétaire des cas respectifs de M. Jean-François Recchi, ancien président du Consortium de réalisation (le fameux CDR), et de M. Bernard Scemama, ancien président de l’Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR).

Ces deux hauts fonctionnaires qui ont réglé les modalités de l’arbitrage précité font l’objet d’un réquisitoire qui pointe des «  présomptions d’irrégularités et d’actes illégaux commis lors du règlement du contentieux de l’affaire Adidas – Crédit Lyonnais ».

Mise en cause pour avoir choisi de recourir à la procédure arbitrale alors que les intérêts de l'Etat sont en jeu, Christine Lagarde  est plus particulièrement critiquée pour ne pas avoir intenté de recours contre la décision de cette commission, la situation météorologique s’étant entre temps aggravée avec la révélation au mois de juin 2011 de l'existence de liens non déclarés entre l'un des trois « arbitres » théoriquement indépendants, et… l'avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourme.

Si de son côté l’opposition se drape dans l’étoffe d’une morale offusquée pour – avec justesse, on le lui concèdera - attendre de la commission d'instruction qu'elle recueille les réponses  à certaines questions (Pourquoi avoir préféré la solution arbitrale à la procédure judiciaire normale ?Pourquoi avoir balayé les questions sur l'éventuelle récusation d'un des arbitres ?Pourquoi avoir accepté le montant des indemnités de Bernard Tapie, exorbitant dans ce type de conflit entre l'État et un particulier ? Pourquoi le ministre n’a-t-il pas sollicité le Parlement comme la loi le lui imposait ? ), les deux questions qui m’importent sont les suivantes :

-Puisque l’on parle de complicité de faux et de complicité de détournement de biens publics, qui sont donc le ou les auteurs ou co-auteurs ou instigateurs de ces agissements ?

-Puisque l’on parle de complicité,  ce qui suppose que le complice soit au courant du but de celui qu'il aide et qu'il adhère à son projet,  qui a-t-on donc réellement aidé, et pour quelle(s)raison(s) ?

« Cherchez la femme  », disait Alexandre Dumas, dans Les Mohicans de Paris. 


Note :

 La Cour de cassation considère que « les actes commis par un ministre dans l'exercice de ses fonctions sont ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l'État relevant de ses attributions, à l'exclusion des comportements concernant la vie privée ou les mandats électifs locaux » (Crim., 26 juin 1995, A. Carignon, pourvoi n° 95-82333). La compétence de la Cour de justice de la République, telle que prévue par l'article 68-1 de la Constitution, « ne saurait s'étendre aux actes qui ne sont commis, par des ministres, qu'à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions » (Crim., 6 février 1997 M. Noir, pourvoi n° 96-80615).

 

 

 

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